Cinq règles pour préserver l’intimité travailler en collaboration avec votre équipe médicale

N homme, une femme et un lit
Kelsey est une femme âgée de 25 ans qui profite d’une vie sexuelle satisfaisante avec l’amour de sa vie. Cela n’est peut-être pas si inhabituel, mais en tant que personne vivant avec la maladie de Crohn, Kelsey a connu plus de moments difficiles que la plupart des gens. Elle ne compte plus le nombre de fois où elle a été confrontée à des épisodes embarrassants et à des conversations difficiles. En outre, en raison des symptômes et des complications de sa maladie, elle s’est malheureusement privée de rencontres à visée amoureuse pendant un certain nombre d’années, à la fin de l’adolescence et au début de la vingtaine, période clé pour de telles rencontres.

Lorsque Kelsey est tombée malade, elle vivait une relation depuis un certain temps. Les vomissements constants et les douleurs abdominales minaient sa vie sexuelle.

« J’avais difficilement envie de moments intimes lorsque je ne me sentais particulièrement pas bien. J’avais l’impression de ne pas être attirante, parce que je vomissais trois ou quatre fois par jour, et je me trouvais simplement moche. Cela a nui à notre relation et nous avons fini par y mettre un terme », explique Kelsey.

Ainsi, au cours des années qui ont suivi, Kelsey a lutté contre des problèmes d’image corporelle alors qu’elle était soumise à de multiples interventions chirurgicales et régimes médicamenteux ayant pour objet de maîtriser sa maladie. Elle ne parlait de sa maladie qu’à peu de gens, car elle en était embarrassée, et surtout, elle s’efforçait d’éviter les moments intimes.

« En raison des douleurs et de l’inconfort que j’éprouvais, je n’avais pas envie de vivre de moments intimes avec qui que ce soit, car ma crainte était que dans le feu de l’action, mon estomac fasse des siennes et que je doive courir aux toilettes…ou pis encore : que je ne me rende pas à temps », se rappelle t elle.

« À cause de ça, je n’avais pas vraiment de fréquentations sérieuses. Il était plus facile de ne mêler personne à cette folie. »

Pas la maladie la plus sexy

La folie que décrit Kelsey est difficile à imaginer pour les gens qui ne sont pas aux prises avec une maladie chronique, surtout une maladie mettant en cause des fonctions corporelles qui, pour la plupart des gens, ne regardent qu’eux.

La maladie de Crohn et la colite ulcéreuse sont des maladies auto-immunes qui causent l’inflammation de la paroi du tube digestif et perturbent la capacité de votre organisme à bien digérer les aliments, à absorber les nutriments et à éliminer les déchets de façon normale. Les personnes atteintes de ces maladies sont aux prises avec des douleurs abdominales, des crampes, des flatulences, des ballonnements, de la fatigue, des diarrhées (parfois sanglantes) et une diminution de l’appétit. Les médicaments et les interventions chirurgicales représentent des traitements couramment utilisés pour amener une rémission de ces maladies, mais il n’existe actuellement pas de traitements curatifs contre elles.

Laisser s’échapper des gaz au mauvais moment est très courant chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn ou de la colite, et ces personnes craignent souvent, à juste titre, de laisser s’échapper autre chose que de l’air au cours de moments intimes. La maîtrise des intestins constitue chez elles une préoccupation constante, et elle peut être encore plus difficile lorsqu’il y a stimulation.

Les autres facteurs courants qui sont susceptibles de compromettre la libido comprennent une image corporelle négative, la fatigue, les effets secondaires des médicaments et les douleurs rectales causées par les hémorroïdes et les fissures. Il s’ensuit souvent une peur du rejet. Les facteurs d’inhibition moins courants incluent les blessures aux nerfs pelviens causées par les interventions chirurgicales, l’anxiété reliée à la présence d’une stomie et les fistules.

En gros, tout ça n’a pas grand chose à voir avec l’intrigue de la plus récente comédie romantique hollywoodienne!

Des montagnes russes émotionnelles

Pour Rachel, étudiante en soins infirmiers âgée de 24 ans de Kamloops, en C. B., le fait de recevoir un diagnostic de maladie de Crohn a amené tout un long d’émotions. Rachel et Nick s’étaient fiancés quelques semaines auparavant. Soudainement, Rachel est tombée gravement malade. Au début, ses symptômes s’apparentaient à ceux de la gastrite. On a ensuite parlé de pancréatite, puis, finalement, de maladie de Crohn. Leur relation aurait dû, à ce moment, être empreinte de romance, mais elle a plutôt été mise à l’épreuve. Nick a dû assumer le plus gros des tâches à la maison, y compris s’occuper de leur fille, et l’intimité du couple en a pris un coup.

« Sur le plan émotionnel, la maladie de Crohn s’apparente un peu à des montagnes russes, explique Rachel. Il y avait des jours où je me sentais vraiment proche de Nick. Je lui étais reconnaissante d’être là malgré ma maladie, et à d’autres moments, je me sentais déprimée et en colère contre le monde entier. Heureusement, nous nous en sommes sortis. »

Selon Rachel, le fait d’apprendre à bien communiquer, de respecter les limites de l’autre et de redéfinir l’intimité lorsque la maladie limitait les possibilités est ce qui a le plus aidé son couple en ces moments difficiles.

« Il y avait des rapprochements sur le plan physique lorsque j’allais suffisamment bien. Évidemment, lorsque j’étais vraiment malade, les rapports sexuels étaient impossibles, car j’avais la nausée et j’étais fatiguée. Dans ces moments-là, nous devions nous rabattre davantage sur la partie émotionnelle de notre intimité. Il fallait communiquer ses besoins à l’autre et lui faire confiance », explique t elle.

En ce qui concerne Nick, il est simplement content que Rachel soit en vie. Comme la maladie s’était manifestée de manière soudaine et aiguë, et qu’à un moment, les médecins avaient posé un diagnostic de pancréatite, Nick craignait que les choses empirent.

« J’avais une crainte, celle que Rachel meure d’un cancer du pancréas. Lorsque j’ai su que la maladie était auto immune et non cancéreuse, je me suis senti rassuré. J’étais toutefois encore très inquiet, car Rachel avait vraiment peur », explique t il.

Selon Nick, leur vie sexuelle n’a pas changé, sauf dans les moments où la maladie de Crohn de Rachel est en phase active. Tout revient à la normale lorsqu’elle se sent bien de nouveau. Toutefois, il a constaté que le fait de se tourner vers d’autres personnes aux prises avec les mêmes problèmes était bénéfique. Nick a pu s’entretenir avec un collègue souffrant de la colite, ce qui lui a été d’une grande aide, et il a trouvé des ressources en ligne des plus utiles au www.crohnetcolite.ca et ailleurs.

Aiguiser son sens de l’humour a également été essentiel.

« Parfois, lorsque je fais des blagues, Rachel se fâche, mais je pense que si vous n’avez pas de sens de l’humour, vous ne survivrez jamais dans ce monde, que vous soyez atteint ou non de la maladie de Crohn ou de la colite. Sans compter que certaines de mes blagues sont vraiment comme des gaz…hilarants! », lance Nick, pendant que Rachel grogne en arrière plan.

La situation s’améliore

Après quelques années difficiles, Kelsey a réalisé qu’elle n’était pas faite pour la solitude et l’abstinence. C’est lorsqu’elle a rencontré Bryan en 2010 que sa manière d’aborder les choses a, par bonheur, changé.

« Les débuts de cette relation ne ressemblent en rien aux débuts de mes histoires précédentes. D’entrée de jeu, j’ai fait preuve de transparence par rapport à ma maladie. Je ne saurais dire exactement pourquoi…peut-être étais-je plus mature ou mieux informée à propos de ma maladie, ou peut-être étais-je rendue à un point où je ne me souciais plus de ce que les gens pouvaient penser et que je désirais simplement être heureuse », déclare Kelsey.

Elle a expliqué à Bryan ce qu’était la maladie de Crohn, comment ça se passait lorsqu’elle était malade et ce qui pourrait se dérouler durant les moments intimes. Elle a trouvé difficile le fait d’avoir à mettre cartes sur table dès le début d’une relation, mais cela eu un effet bénéfique immédiat : grâce à la communication franche établie entre Kelsey et Bryan, leurs moments d’intimité ont été dénués de stress.

Kelsey et Bryan sont maintenant mariés et ils sont devenus les heureux parents de bébé Skylar en 2014.

La communication est essentielle

Tant Rachel que Kelsey ont profité du fait d’avoir des parents atteints de la maladie de Crohn et de la colite. Le père de Rachel est atteint de la maladie de Crohn et a vraiment fait preuve d’un solide soutien à son égard durant les pires moments, alors qu’elle lui téléphonait quotidiennement pour lui faire part tant des bonnes nouvelles que des mauvaises, se vider le cœur et obtenir des conseils. Elle a également eu la chance de pouvoir compter sur l’aide d’un gastroentérologue des plus compatissants qui lui a accordé tout le temps dont elle avait besoin pour bien comprendre sa maladie sous tous les angles.

Les parents de Kelsey lui ont procuré un incroyable soutien et ils lui ont donné l’exemple à suivre, car ils comprenaient tous deux très bien ce qu’elle vivait. Son père Brian a reçu un diagnostic de colite ulcéreuse lorsqu’il était âgé de 23 ans, et sa mère Debbie a appris à l’âge de 50 ans qu’elle souffrait de la maladie de Crohn. Le couple de Langley, en C. B., a appris qu’il fallait communiquer constamment, élargir la définition d’intimité, faire preuve d’un amour inconditionnel et rire lorsque le besoin se faisait sentir.

« Nous avons appris à nous adapter à notre situation dans la chambre à coucher, explique la mère de Kelsey, Deb. Si nous ressentons le besoin de nous lever et de partir, nous ne nous empêchons pas de le faire. Certes, les interruptions, ce n’est pas souhaitable, mais ce qui importe le plus est que nous soyons proches l’un de l’autre et que nous désirions vivre des moments intimes malgré tous les aléas rattachés à la maladie. »

Deb déclare que cela a consisté à vivre leur intimité d’autres manières qui ont autant de signification pour eux, par exemple regarder un film ensemble, jouer à un jeu qu’ils apprécient tous deux, ainsi que se caresser et s’embrasser sans avoir d’attentes. Pour elle, il est important, pour deux personnes, de renforcer le lien intime existant entre elles même si cela ne mène pas nécessairement à la satisfaction habituellement rattachée aux gestes à caractère sexuel.

Deb explique que l’aptitude la plus importante qu’elle et Brian ont apprise est celle de parler librement de la maladie ainsi que de partager leurs inquiétudes et leurs symptômes afin de se sentir à l’aise lorsqu’une rencontre sexuelle n’est pas possible. Selon Brian, cela revêt une importance particulière pour les hommes, qui éprouvent souvent de la difficulté à s’exprimer, surtout lorsqu’ils sont affligés de maladies telles que la maladie de Crohn ou la colite.

« Certains hommes ont de la difficulté à exprimer ce qu’ils ressentent, tant physiquement qu’émotionnellement, à leur partenaire, explique t il. Toutefois, la réalité est que s’exprimer peut favoriser considérablement les rapprochements. »

Demander de l’aide

Ils ont également constaté que le fait de demander de l’aide à des personnes vivant les mêmes difficultés qu’eux et d’apprendre de leur expérience les avait aidés à ressentir moins d’embarras par rapport à leur situation et à mieux y faire face.

« Se renseigner auprès d’organismes bien établis peut être utile », déclare Brian. Lui et Deb sont bénévoles pour Crohn et Colite Canada, qui propose des brochures d’information sur différents sujets, notamment une brochure sur l’intimité intitulée Le fond du problème - La sexualité et les MII. Deb ajoute qu’il existe en ligne plusieurs ressources des plus utiles, par exemple le site www.trustedtherapies.com, forum alimenté par les patients qui a pour objet d’améliorer la vie des personnes atteintes de maladies chroniques, ainsi qu’un certain nombre de blogues créés par des patients qui y partagent leurs trucs pour faire face à la maladie.

Le site Web de la Société Canadienne des Personnes Stomisées propose également les services de deux experts du mode de vie des personnes stomisées qui sont là pour répondre en ligne aux questions portant sur les nombreux aspects reliés au fait de vivre avec une stomie. En outre, au début de 2015, Crohn et Colite Canada met en œuvre la version pilote d’un programme de mentorat de pair à pair afin de soutenir les patients et les familles qui doivent composer avec les aspects psychosociaux reliés au fait de vivre avec la maladie de Crohn ou la colite et de leur procurer un soutien émotionnel par l’intermédiaire de gens qui ont vécu les mêmes expériences.

Partager des conseils

Kelsey et Rachel ont des expériences semblables, et, par conséquent, ont des conseils semblables à partager avec les personnes qui sont aux prises avec ces maladies et les problèmes qu’elles entraînent sur le plan de l’intimité.

Communication – Une bonne ouverture d’esprit et une communication honnête représentent la base d’une vie sexuelle saine pour chacun, mais surtout pour les personnes atteintes de la maladie de Crohn ou de la colite. Elles aident le patient à se sentir en confiance et en sécurité lorsqu’il est question de décrire le degré d’intimité possible à chaque stade, mais elles empêchent également le partenaire de se sentir rejeté ou de prendre personnellement le manque d’intimité. Comme le dit Kelsey, plus on en parle, plus ça devient facile.

Information – Bien qu’il ne soit peut-être pas avisé de parler ouvertement, avec les membres de votre famille élargie et vos amis, de l’impact de la maladie de Crohn et de la colite sur votre intimité, il est important d’informer votre communauté sur la maladie. Tant Kelsey que Rachel ont eu droit au fameux commentaire « Mais tu ne sembles pas malade » suffisamment souvent pour savoir que les gens ne saisissent pas à quel point ces maladies peuvent être invalidantes. En orientant les gens vers des sources d’information objective et fiable sur la maladie, vous les aiderez à mieux vous comprendre et vous appuyer.

Esprit de communauté - Rachel, Kelsey, Brian et Deb ont tous la chance de pouvoir compter sur des partenaires avec qui ils ont la possibilité de communiquer aisément, mais ce ne sont pas toutes les personnes atteintes de la maladie de Crohn ou de la colite qui ont une telle chance. Si votre relation est nouvelle ou que la communication franche représente un défi, contactez votre section locale de Crohn et Colite Canada ou l’établissement de santé de votre secteur pour déterminer s’il existe près de chez vous des groupes de soutien, ou tournez-vous vers les ressources dont il a été question précédemment. Même s’il n’existe pas, à l’échelon local, de ressources rattachées à la maladie de Crohn et à la colite, il faut pouvoir compter sur un bon réseau de soutien personnel.

Gestion du stress – Vivre avec le caractère imprévisible de la maladie de Crohn et de la colite, la douleur qu’elles causent et la stigmatisation qui s’y rattache comporte déjà son lot de stress! Dans la mesure du possible, évitez les sources de stress supplémentaire et prenez le temps de décompresser pour affronter le stress auquel vous êtes déjà soumis. Nourrissez-vous aussi bien que possible, et faites de l’exercice lorsque vous le pouvez pour vous affranchir des effets du stress.

Vue d’ensemble – Pour Kelsey, il s’agit de conserver une attitude positive. Ainsi, elle s’efforce de s’entourer de personnes positives et de ne jamais se décourager. En ce qui concerne Rachel, elle cherche à rester calme et à vivre une journée à la fois. Deb et Brian ont pour stratégie de ne pas perdre de vue la relation dans son ensemble et de ne pas se laisser définir par la maladie. La vue d’ensemble constitue un outil clé du maintien de saines relations et de la gestion de la maladie.

Nous désirons remercier Kelsey, Rachel, Nick, Deb et Brian d’avoir partagé leurs histoires avec nous tous. C’est vraiment apprécié!

Il s’est avéré que toutes les personnes qui nous ont accordé une entrevue pour l’article étaient atteintes de la maladie de Crohn. Bien que la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse présentent des enjeux communs, nous ne voulons présumer de rien!

Cinq règles pour préserver l’intimité

1 – Exprimez de manière claire et honnête vos sentiments et le degré d’intimité que vous pouvez accepter à un stade donné. Cela vous aidera à reconnaître vos limites, mais aidera aussi votre partenaire à être plus compréhensif.

2 – Aidez les autres à comprendre votre expérience en leur fournissant de l’information et des liens utiles. Cela favorisera la franchise de la communication.

3 – Si vous avez des interrogations, ne tentez pas de trouver la réponse vous-même. 1 Canadien sur 150 vit avec la maladie de Crohn ou la colite; vous pouvez donc tirer profit de l’expérience d’autres personnes qui ont lutté contre la maladie et les problèmes qu’elle entraîne sur le plan de l’intimité.

4 – Prenez soin de vous et gérez bien votre stress afin de mieux composer avec vos symptômes et être présent dans vos relations.

5 – Essayez de relativiser la place occupée par la maladie dans votre vie : elle ne définit pas complètement qui vous êtes et comment vous vivez.

  • Les taux de ces maladies au Canada figurent parmi les plus élevés du monde.
  • 1 CANADIEN SUR 140 vit avec la maladie de Crohn ou la colite
  • Pour la première fois, les familles nouvellement arrivées au Canada contractent la maladie de Crohn et la colite
  • Depuis 1995, l’incidence de la maladie de Crohn chez les enfants canadiens de 10 ans et moins a presque doublé
  • Les gens sont le plus souvent diagnostiqué avant 30 ans.

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